Il était une fois, une table de salle à manger
La table de cuisine ou celle de la salle à manger sont au cœur de nos maisons modernes. On s’y retrouve bien sûr pour savourer un repas, mais aussi pour le plaisir d’être ensemble et de partager les évènements plus ou moins grands qui se sont déroulés au cours de nos journées. C’est donc un meuble essentiel au quotidien, et ce, depuis la nuit des temps. Vraiment ? Pas tout à fait.
Qui n’a pas rêvé un jour d’être Jules ou sa chère Cléopâtre et de déguster un souper confortablement étendu en se faisant servir plat après plat, et en restant allongé jusqu’à être rassasié ? La table brillait par son absence chez les Grecs et les Romains, en fait, elle est apparue dans la vie de nos ancêtres un peu plus tard.
Ainsi, chez les Gaulois aux IIe et IIIe siècles, il y avait deux façons de se mettre à table en fonction de la classe sociale à qui on appartenait. Les riches se remplissaient la panse encore couchés pour faire chic comme les Romains, mais aussi parfois assis. Les paysans eux, mangeaient à même le sol, installés sur des peaux de bêtes.
De terre à table
Les heures de gloire de la table que l’on connaît commencèrent au Moyen-Âge. Mais attention ! Avant de se mettre à table, il fallait littéralement mettre la table ! C’est qu’aucune salle n’était attitrée aux repas dans les châteaux et les manoirs. Les nobles mangeaient aussi bien dans une grande salle avec d’autres convives, que dans leur chambre ou au jardin. Les moins riches habitaient d’humbles demeures d’une seule pièce, où ils vaquaient à toutes leurs occupations. Avec un tel mode de vie, la table fixe que l’on connaît aurait été embarrassante.
Mettre la table est devenu une expression d’aujourd’hui, mais à l’origine, mettre la table était lié au fait que ces meubles étaient constitués de simples planches que l’on disposait sur des tréteaux. Il fallait alors dresser la table pour ensuite la ranger une fois le repas terminé.
Et c’est à la même époque que lorsque bien assis à table, les convives entrechoquaient leurs verres, ce que l’on fait encore de nos jours en disant « tchin-tchin », une expression d’abord chinoise voulant dire : « je vous en prie ». Mais cette coutume héritée du Moyen-Âge n’avait à ce moment-là aucun objectif de politesse, mais visait plutôt à rester vivant après le banquet !
C’est qu’à l’époque, de nombreuses personnes mouraient empoisonnées par leurs compagnons de table. Entrechoquer les verres faisait en sorte que du liquide allait d’un gobelet à l’autre, mélangeant ainsi le contenu à boire entre les convives. Et en signe de confiance, il fallait se regarder dans les yeux en avalant la première gorgée, encore une coutume d’antan passée à l’usage moderne. Ces rituels de table avaient pour but d’assurer aux hôtes qu’ils n’allaient pas périr une fois leur verre englouti !
La sédentarité donna naissance aux tables à manger fixes telles qu’on les connaît. Mais l’usage de dresser la table pour chaque repas perdura chez les gens simples jusqu’au XVIIIe siècle.
Pendant ce temps, à l’autre bout du globe
Si, à la même époque, on s’éreintait à monter et à démonter les tables en Europe, les Japonais avaient trouvé une manière ingénieuse de joindre l’utile à l’agréable grâce au kotatsu.
D’abord un âtre au centre des maisons dans lequel on brûlait le charbon pour réchauffer les demeures aux murs minces, on y plaça ensuite une plateforme, puis un futon pour garder la chaleur. Cette « table » servait non seulement à chauffer les pieds des convives pendant les repas, mais on y préparait aussi les mets ou on y vaquait à d’autres occupations.
Cette brillante idée a perduré, car on trouve aujourd’hui au Japon des kotatsus électriques. Plusieurs familles japonaises mangent donc toujours assises sur le plancher, se faisant doucement réchauffer par leur table et bien enveloppées sous un mince futon.
Le soleil et la table
La table comme on la connaît, commença à apparaître au XVIe siècle, grâce, entre autres, à Louis XIV, roi inspirant et gourmand, qui décida de lui donner plus d’importance et de l’ornementation.
Le Roi Soleil, comme on l’appelait, considérait que la cuisine française était une manière de rayonner, de montrer sa puissance. Avec Louis, fini les planches et les tréteaux, la table devient officiellement fixe et un vrai meuble. Par conséquent, l’époque ayant un penchant pour la dorure et le fla-fla, on la décore des pieds au plateau, on y dépose des couverts d’or et d’argent et le roi s’y attable à 22 h avec les membres de sa famille pour prendre un grand repas public, dit Grand Couvert, symbole de son pouvoir au quotidien.
Comme pour les Gaulois qui copiaient les habitudes romaines et grecques pour affirmer leur statut, les nobles, puis les gens du peuple, adoptèrent la table fixe pour afficher leur réussite sociale ou financière.
Mais une table ne pouvait rester en permanence au centre d’une maison à pièce unique, ainsi du XVIIIe au XIXe siècle, les salles à manger commencent à se démocratiser et font leur apparition dans les propriétés bourgeoises. Grâce à cela, on peut alors se procurer une table fixe et plus prestigieuse, recevoir avec panache et étiquette comme il se doit dans chaque demeure de famille dite « de qualité ».
Cacher ce pied de table que je ne saurais voir
Bien que l’austérité semble aujourd’hui avoir un sens financier plutôt que sociétal, la table de l’ère victorienne dû affronter le jugement des puritains de l’époque qui considéraient toutes formes féminines comme étant scandaleuses, ce qui comprenait les pieds de table. Pour cette raison, ceux que l’on estimait déplacés et inconvenants étaient cachés ou couverts pour empêcher les imaginations fécondes de galoper à table.
Ce qui explique, entre autres, que le style chippendale qui imposait des tables à manger sculptées à la main, avec des pieds découpés et courbés, fit place, en Amérique du Nord, aux tables plus simples, souvent influencées par le style shaker. Mais la révolution industrielle et l’apparition de la classe moyenne annoncèrent le retour des tables à manger plus ornées, pour encore une fois, afficher sa prospérité.
Aujourd’hui, la table à manger revêt un rôle fonctionnel, mais aussi de beauté. D’ailleurs, on trouve maintenant sur le marché une gamme de tables pouvant répondre à plusieurs besoins : différents systèmes de rallonges permettent d’accueillir plus de convives, les enfants qui y font leurs devoirs ou de s’y installer en télétravail, ainsi que des tables de plusieurs grandeurs, permettant d’adapter le meuble choisi à votre espace de vie.
Les tables répondent donc avec brio aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui, avec des styles classiques ou modernes, pour s’accorder aux décors traditionnels ou contemporains.